A qui, à quoi vont nos applaudissements ?


Que permet, que favorise l’unicité de l’instant sinon un sentiment de rareté et de complétude réunies ?

Rappel du contexte.


Ce vendredi 14 avril 20H à l’auditorium la phalange de Lyon dirigée par une jeune cheffe, Gemma New (36 ans) exécute un concerto pour trombone et orchestre, Yéricho. Une rareté en soi. Une commande commune de l’orchestre de Lyon et de l’orchestre de Toronto faite à un jeune compositeur Samy Moussa (38 ans).


Une création mondiale ou la rencontre unique entre une fille de Nouvelle Zélande, un fils du Canada et un orchestre à Lyon.

Un triomphe net au regard de l’intensité et du nombre de rappels spontanés, d’autant plus méritoire qu’on parle d’une œuvre ambitieuse proposée à un public peu habitué aux sonorités de la musique contemporaine, venu majoritairement entendre ce soir-là, la 2 ème de Sibelius en seconde partie.


Et là, précisément, le ressenti l’emporte sur l’analyse. Il n’y a rien de comparable car rien à comparer.


La partition est inconnue donc impossible de savoir si elle est respectée ou pas. L’exercice est rendu plus facile avec des tubes comme La 5 ème de Beethoven, le boléro de Ravel, ou encore la truite de Schubert, rentrées dans la plus petite commune culture multiple auxquelles notre oreille est habituée.


Donc première inconnue. Une écriture novatrice qui implique l’absence d’éléments de références avec un opus connu.
Une ouverture sur le vide.


Certains chefs sont applaudis pour la légende qui les précède, reconnus comme des spécialistes de Wagner avec Boulez, de Berlioz avec Devis applaudis avant même d’avoir commencé à diriger comme un crédit ouvert autorisé par le public. Si c’est dirigé par Karajan c’est forcément bien. Ici et maintenant pas de références, pas de crédit gratuit. Tout est à faire, à construire.
Deuxième inconnue avec une création, que faire sinon faire confiance à sa propre oreille face à la direction d’orchestre et ses partis pris.

A la manière d’un examen de passage, d’un rite initiatique, d’un Everest à franchir à l’image du Requiem de Mozart ou la 5 ème de Mahler certains monuments du patrimoine classique donnent rendez-vous à ceux qui veulent s’y risquer et c’est la performance qui est applaudie par les connaisseurs.
Pas de doute là-dessus.


3 ème inconnue. Quel avenir pour cette création ? Réponse incertaine.
D’autant plus incertaine que ce concert n’a pas été capté lors de cette première. Il ne peut être pour l’instant qu’un souvenir et un regret de ne pas l’avoir enregistré en cachette.


Alors arrive ce moment particulier où l’œuvre et son compositeur, l’orchestre, la cheffe sont indissociables dans cette production unique à tous les égards.
Sans filtre.
Un moment de forte intensité émotionnelle où le tout est supérieur à la somme des parties, une entièreté qui fait du bien, qui nous connecte à une autre dimension.
La puissance de l’instantané. Et l’envie d’applaudir longtemps, longtemps, longtemps.
Intensément.

Alors il s’agit d’engrammer ce souvenir, le stocker pour le laisser accessible dans notre discothèque, loin des tumultes, à côtés des autres souvenirs comme une poussière de notes qui remplit notre âme

Et de dire merci à ce cadeau.

Si vous trouvez l’occasion d’écouter ce concerto grand bien vous fasse.

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