Ce fameux pas de côté, cette manière de percevoir la réalité par un autre prisme, ce décodage du dit par le non-dit, cette lecture de l’évènement autrement éclairée et donc plus éclairante pourrait bien nous sauver la vie.
En décidant de s’affranchir de la mémoire nous avons laissé au écrans le pouvoir de chercher pour nous des réponses à des questions domestiques dans des délais toujours plus courts. Il suffit de voir dans une soirée la concurrence effrénée entre invités mobilisés sur leur mobile afin de produire le premier ou la première la réponse attendue à une question qui au bout du compte n’avait aucune urgence. Ainsi notre mémoire se rétrécit au profit de l’infini mémoire ou presque de nos smartphones. Merci Michel Serres.
Dès lors la tentation est grande de passer par l’intelligence artificielle pour penser les réponses à notre place sur des sujets plus ardus. Après avoir perdu la mémoire peut il y avoir une perte de la connaissance… question de santé publique et ce n’est pas avec « La fabrique du crétin digital » et « Faites -les lire » que Michel Desmuret viendra contredire le propos.
Qu’y a-t-il à sauver sinon une intelligence qui ne serait pas artificielle, qui ne serait pas l’accumulation de données, la compilation de savoirs plus ou moins bien rangés qui donne à voir la puissance de l’expert par le cumul de données.
L’usage du pas de côté, voilà notre bien précieux, unique. Ce pas de côté qui met à jour nos obsessions, nos renoncements nos espérances englouties, ce pas de côté qui met nos consciences à nues. Jamais l’IA ne saura conscientiser notre doute ou nos passions. Elle n’a pas, par sa conception même, pas la moindre capacité à penser une problématique.
La question n’est pas de répondre à la question mais de s’interroger sur le sens de la question, questionner le questionneur. Platon est toujours vivant. Et tant qu’il y aura des philosophes…
En revanche, elle a la capacité d’être via des états ou des sociétés privées, à devenir le plus grand influenceur de la planète.
Dit autrement, encore, à la manière de Gérald Bronner dans « L’apocalypse cognitive » « Il n’est pas impossible que nous devenions des moutons, qu’à force de demander à nos outils qu’ils aient plus de mémoire que nous, que nous soyons zombifiés par ces outils, possédés par nos possessions, grégarisés par nos algorithmes, rendus paresseux ou asociaux par ces armes hypnotiques »
Autrement dit, comment via les réseaux, intervenir sur nos modes de consommation de produits ou de biens, voire influencer nos jugements, nos « goûts » politiques, ce que la série « La fièvre » avec les scénaristes de « Baron Noir » nous explique dans les derniers épisodes. (Clin d’œil avec le dernier plan du dernier épisode de la saison1).
La maitrise de ces algorithmes par des états, des sociétés privées n’est déjà plus un phantasme mais une réalité qu’il nous faut apprendre à décoder en restant vigilant.
Vigilance par l’accès à la connaissance, vigilance par l’accès au doute si cher à Montaigne, vigilance par l’accès au savoir apparent dénoncé par Kant.
Il y aurait là comme un paradoxe. Rester connecté pour apprendre à faire le tri. Un tri sélectif pour limiter la pollution.Et si ce tri était lui-même pré construit….A moins qu’il ne s’agisse d’une fenêtre d’Overton pour mieux nous préparer à plier sous les injonctions des réseaux et voilà la pensée complotiste qui affleure.
Au secours !
Vous auriez du paracétamol ….
Pour ceux qui seraient passer à côté de La Fièvre l’intégrale de la série est sur Canal+.