Opinion qui va à l’encontre de l’opinion communément admise.
Association de deux faits, de deux idées contradictoires.

Ce qui ne devrait pas nous surprendre comme une suite naturelle aux confinements successifs et l’arrivée du monde de l’entreprise dans la vie privée des salariés c’est cette demande croissante de flexibilité, de prise en compte d’une spécificité individuelle dans la gestion des horaires, du temps de présentiel et de télétravail.
Dit autrement la revendication de l’unicité, d’un besoin de reconnaissance individuel après le sentiment de déshumanisation, de manque de relations familiales, sociales lié à l’enfermement.
D’une certaine manière on peut lire une forme de compensation face à l’accommodation à un changement subi, face à une rupture du contrat social implicite passé avec l’entreprise et la séparation actée entre vie privée et cadre professionnel.
Dit autrement l’émergence du « je ».

Ce qui en soit ne devrait pas davantage nous surprendre, c’est ce besoin d’appartenir à un collectif, que porte les moins de 30 ans nourris par une éducation plus horizontale, leur goût pour une démarche collaborative qui fait davantage appel à l’intelligence collective qu’à l’expertise, à leur recherche de responsabilités plutôt que celles de titres ou de pouvoirs statutaires, à leur recherche de sens notamment dans la prééminence des enjeux climatiques dans leur prise de décision.
Dit autrement l’émergence du « nous ».


Cependant plus on favorise le télétravail, la souplesse des horaires, l’individualisation des conditions de travail et moins on cultive le sentiment d’appartenance.
Si le télétravail a démontré son efficacité dans des relations verticales et rationnelles, il a aussi accusé sa faiblesse dans des formes plus créatives de résolutions de problèmes.
S’il permet une réponse fiable à des demandes classiques avec des modes de contrôles répétitifs et le retour d’un management en étoile, il a du mal à éclairer la nature de sa contribution à un projet plus global de l’Entreprise.

Gagner en souplesse suppose de davantage « processer » les modes de production afin d’être moins dépendant des choix des horaires de travail recherchés par les salariés. Plus les process dominent et moins les salariés sont indispensables et s’annoncent de moins en moins nombreux.

Plus les process s’imposent et plus les collaborateurs sont interchangeables et moins le sentiment d’appartenance peut progresser tant la responsabilité est taylorisée et manque de sens faute d’initiatives possibles sur le plan local et de vision partagée.

Les logiques matricielles participent de cette course à la performance par le cumul des résultats à produire et la concurrence entre BU qui aspirent au titre de meilleur de la classe. Ce qui, à l’origine, se voulait (intention positive) une occasion de casser une logique de silos, de se défaire de la verticalité des décisions se transforme sous nos yeux en défenses de l’intérêt particulier au détriment d’une approche globale. Dit autrement, les fonctionnels se plaignent de l’incapacité des opérationnels à s’extraire de leur conservatisme culturel et leur goût du pouvoir tandis que les opérationnels s’alarment de la méconnaissances des contraintes de leurs pratiques face à des discours de technocrates éloignés des réalités du terrain.


Ne pas accepter qu’un arbitrage par définition suppose de dégrader un objectif, est une forme de déni. L’illusion devenue discours officiel entraine davantage de pression sur les équipes pour un résultat aléatoire, par définition, démobilisateur.

L’absence d’arbitrage entre opérationnels et fonctionnels laisse les salariés en situation de choisir leurs priorités qui ne sont pas nécessairement celles de l’entreprise mais le plus souvent proches de leurs zones de confort. La volonté de bien faire ne garantit pas la pertinence du choix.
Situation paradoxale s’il en est. Plus on s’éloigne d’une culture originelle de la verticalité plus on crée une autre forme d’autoritarisme.
L’avenir ne se lit pas dans un rétroviseur. La lecture de ce nouveau rapport au travail réclame à la fois ambition et humilité, créativité et bienveillance de la part des dirigeants, des DRH, des managers, des consultants. Le code a changé. L’ignorer c’est vouloir se perdre. Mais pour rappel, il arrive que les cordonniers soient les plus mal chaussés, comme un paradoxe.


Affaire à suivre, avec Aristote et Paul Ware en invités.

Un commentaire sur “Paradoxe

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.