Pour celles et ceux qui auraient vécu les dernières semaines dans une grotte on peut comprendre, que vous soyez passés à côté de « En thérapie » pour les autres, c’est déjà plus compliqué, alors vite à vos replays sur Arte.
Être invité à écouter, 35 entretiens au total, de 3 patients et un couple chez un psychanalyste, dit comme ça, ça ne donne pas forcément envie et pourtant la magie opère.
En fait il n’y a là, rien d’une pensée magique, mais plutôt une « centration » de talents.
D’abord classiquement ce qui se dit chez son psy n’a pas vocation à sortir du vestiaire.
Obligation de confidentialité.
Premier tabou dépassé, on assiste aux entretiens.
Nous ne sommes pas des spécialistes de la cure et pour autant nous sommes installés en situation méta, avec de la hauteur, du recul, sur la tenue de ces entretiens. Par ailleurs nous accédons à des informations liées à l’histoire intime du psychanalyste, qui là encore par définition sont « neutralisées » par le praticien afin de ne donner aucune prise au patient qu’il pourrait utiliser comme justification de ses actes.
Ces informations humanisent le profil du psychanalyste, construit comme toute identité sur des failles et dont nous comprenons qu’elles installent du doute cassant la forme de toute puissance du psychanalyste, assis sur son siège, affirmant par sa prise de parole bienveillante et objectivée son savoir sur le discours de l’âme.
Le bouchon est poussé encore plus loin car nous assistons aux séances de supervision du psy avec sa contrôleuse elle-même limite dans sa relation avec son confrère et néanmoins patient.
Et nous voici en position méta-méta (discours sur le discours du discours) posant un regard de béotien plein de bons sens en arbitre des querelles entre courants Freudiens.
Un peu comme être psy par procuration. Bien vu.
Le deuxième coup de génie réside dans le choix du moment. Les cures commencent au lendemain des attentats du Bataclan avec en arrière-plan l’impact produit sur les individus sur un plan émotionnel et psychosociologique nous confrontant indirectement à notre ressenti, notre lecture face à ces évènements extra-ordinaires. Le particulier devient universel.
C’est ce même principe d’un événement « choquant » qui vaut pour les différentes adaptations dans le monde, faisant suite à la version originelle de la série en provenance d’Israël.
Dit autrement, comment le trauma des attentats vient-il bouleverser les équilibres individuels, collectifs, sociétaux, culturels, vient-il challenger nos croyances et nos relations à l’autre, aux autres.
Et c’est là, tout le travail formidable de l’écriture des dialogues par la puissance des maux mis en mots rendant crédible le travail de fond effectué dans les séances, qui en « vérité » ne durent que 25 à 30 minutes environ, mais qui d’une certaine manière réclament toute notre attention, notre écoute, notre travail d’écoute. Une concentration extrême pour ne rien manquer ; comme une ré-jouissance, une mère-veilleuse ou autre j’étouffais pour t’aider…
Ne les chercher pas forcément dans la série, c’est juste pour illustrer !
Ah ce cher Lacan dont « l’inconscient est structuré comme un langage ».
Le troisième facteur X porte sur la réalisation (5 réalisateurs) et un travail d’acteur exceptionnel qui sublime l’écriture. Le travail de cadrage appuie le discours sans jamais alourdir le sens : ni voyeurisme, ni banalisation des sentiments parfois convenus mais jamais caricaturés.
Que de talents réunis, que de précision dans le jeu, que de sobriété, que de violences contenues ou pas dans ces regards qui menacent, qui pleurent, qui portent les silences qui sont autant de dits du non-dit.
Donner à entendre des silences sans ennuyer les téléspectateurs : un défi. Second défi apprendre à écouter ce qui n’est pas dit, sans perdre de l’audimat. C’est un peu comme une leçon de vie qui ne dirait pas son nom. C’est si rare. C’est aussi ce qu’on appelle le talent.
Alors les puristes retiendront l’accélération du temps, le concentré de figures de style : transfert et contre transfert (2/2), refoulement, projection, décentration, décompensation, déni.
Et ils auront raison mais peut-être un peu trop « corps seté » sur leur pratique.
A revisiter en thérapie.
Bonjour Jean Louis,
Ton analyse de la série semble très bien vue. Mais, personnellement , bien que ne vivant pas dans une grotte, j’ai un peu zappé pour ne pas dire boycotter la série et même la télé en général!!!! ne supportant pas vraiment le coté anxiogène permanent ….. Je préfère me mettre au piano…. Même avec des fausses notes, je trouve plus agréable. Bon , nous aurons sans doute l’occasion d’échanger semaine prochaine , dès que notre petit bonhomme nous en laissera le temps.
Bonne fin de journée a mercredi. Amitiés Jean