Le principe d’incertitude est concomitant à notre histoire personnelle.

Suis-je vivant ? suis-je aimable ? suis-je compétent ? suis-je digne de confiance ? suis-je voulu ? suis-je acceptable ?

Ces questions existentielles nous occupent dès notre plus jeune âge et les réponses à ces questions façonnent notre personnalité.

Dans le même ordre d’idée la question du pourquoi et la recherche d’intentionnalité nous rapproche ou nous éloigne de la croyance en un Dieu.

Il en va de même avec notre quête d’identité, quel degré de conscience ai-je de qui je suis, comment ne pas confondre rôle et identité, postures qui deviennent des impostures et identité singulière.

Ce champ d’incertitude pour inconfortable qu’il soit, trouvait pour partie ses réponses en nous avec le temps et/ou chez le prêtre, l’instituteur, et plus récemment le psy nouvel arbitre entre le pari de Pascal et les partisans du sans Dieu ni maitre

Mais voilà que la Covid vient bousculer ce transfert de compétences.

La nature des interrogations qui traversent le quotidien est déstabilisante à plus d’un titre.

Doit-on « sacrifier » une génération au profit d’une autre ?

Comment accepter une rationalisation des choix budgétaires dans le traitement prioritaire des malades ?

Comment vivre avec l’angoisse d’un avenir en pointillé dont les traces sont éphémères ?

Comment vivre en regardant l’autre comme une menace ?

Que faire de la dette qui s’accumule ?

Combien de temps encore devoir vivre avec ce virus ?

En quoi mon métier est-il moins indispensable que celui de mon voisin ?

Autant de questions « hors champ »

Dit autrement, ces questions ne devraient pas être nos questions. Si nous avons, avec plus ou moins de conscience, transférer nos compétences dans le champ politique d’une démocratie représentative, à des experts aux cursus communs (Sciences Pô, ENA, HEC quel que soit leur camp), c’était pour qu’ils les règlent et voilà que l’incertitude domine..

Les discours hésitants sur les mesures à prendre, les mensonges par méconnaissance ou les tromperies sont décodés comme des formes d’incompétence et font vaciller les institutions au pouvoir.

Dans le même temps les décisions verticales sont perçues comme arbitraires et donc injustes.

Les décisions ne sont plus à la marge avec des effets lents, elles sont clivantes avec des effets immédiats.

Le doute se diffuse quand le champ sanitaire apparait au grand jour comme une bataille entre experts, entre Marseille et Paris proche d’un OM/PSG.

Il se prolonge sur tous les plateaux TV ou les économistes sont en plein désaccord sur les conséquences de cette crise sur notre endettement actuel qui se creuse comme un puit sans fond.

Dans le champ de l’entreprise les variables de l’équation se multiplient et n’entrent pas dans les SWOT.

Or là encore, la première qualité d’un dirigeant c’est son sens de l’anticipation, sa lecture du futur, en termes d’investissements, d’engagements prioritaires dans les domaines d’action stratégiques traduit en feuilles de route déclinées auprès des experts réunis autour de la table de direction. Pour faire simple, innovation et commercialisation.

Qui dit comité de Direction dit prendre des directions qui par définition engagent durablement l’entreprise sur son marché et conditionnent les choix organisationnels, les modes de management attendus, les comportements devenus exigibles.

Les hauts salaires, les privilèges qui perdurent sont moins contestés quand l’avenir est radieux et l’avenir éclairé par une Vision porteuse de sens.

Et là aussi le doute s’installe par la multiplication des incertitudes à intégrer dans des scénarii à accommoder.

Les experts qui, il y a peu, légitimaient l’accès aux fonctions managériales pour préserver leur pouvoir d’influence sont en difficulté face à ce changement de paradigme. Il s’agit de faire juste et bien dès la première fois avec moins. Et la pression est d’autant plus forte que la gouvernance est centralisée et verticale.

Cette logique induite de « justification » de l’ordre établi est menacée.

Le contrat implicite est clair si l’expertise n’est pas vérifiée face à la crise sanitaire économique et sociale que nous traversons alors les statuts de sachant ne tiennent plus, ni les privilèges qui leurs sont associés (présence sur les plateaux télé, tribune de presse, statuts d’intouchables) ni protections corporatistes, ni incompétences notoires, à l’image de Coach Courbis sur RMC qui n’a jamais gagné un titre de sa carrière ni en L1 ni à l’international et qui donne des leçons de management d’équipe à des entraineurs aux palmarès grands comme le bras.

Dès lors cette crise sanitaire peut être vue comme un accélérateur, un amplificateur des prises de conscience du transfert d’expertise et ses limites à l’image de la mondialisation et sa spécialisation par pays ou région d’extraction de matières premières de production de biens ou services à moindre coûts et ses dépendances stratégiques en période de crise (production de molécules, de masques, d’appareil de réanimation etc…)

Il ne s’agit pas de tomber dans le populisme ou les démagogues de tous poils du Yaka-Faucon, donneur de leçon instrumentalisant les déceptions ou angoisses des plus démunis dans le seul but d’élargir leur base électorale.

Il ne s’agit pas davantage de supprimer l’expertise et les experts mais de s’écarter de la république des experts ou de son oligarchie dominante dans l’entreprise.

Mais à tout le moins de favoriser les circuits courts pas seulement sur le plan alimentaire mais dans de très nombreux process de décision dit autrement de renforcer, d’amplifier, de généraliser le principe de subsidiarité, chaque membre de l’équipe est habilité à prendre une décision à son niveau sans l’intervention du supérieur, bref, les collaborateurs ne consultent la direction que s’ils n’ont pas trouvé de solution adaptée aux dysfonctionnements mis à jour.

Il s’agit de favoriser l’auto contrôle et la co-responsabilité, sources d’autonomie qui autorisent la co-créativité indispensable en période de renversements des repères.

L’avenir ne se regarde pas dans un rétroviseur. Les recettes d’hier sont inopérantes face à l’inédit. La mobilisation de la somme des talents individuels optimise la performance collective.

C’est cette forme de recherche de plus-value qui doit nous guider.

Plus de confiance, plus de bienveillance, plus de convivialité. Plus de proximité plus de responsabilité, plus d’engagement avec des contrats réactualisés associant le pourquoi et le comment.

Le socle fondamental autour duquel s’ordonnent tous les savoirs d’une époque c’est dans l’esprit la définition que donnait Michel Foucault au concept d’épistémè. On ne sait pas mieux, on sait autrement Il n’y a pas d’évolution dans des sciences mais une histoire des changements de sciences faite de ruptures.

Et si le 21 siècle commençait vraiment en 2020….

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