Une étoile est sur le point de s’éteindre.

Le monde entier aurait voulu la retenir, la garder sur terre, la sauver sauf que, cette nuit-là cette nuit du 4 aout 1962 le monde entier n’est pas là, il est nulle part ».
« Est ce que Maryline aurait pu être sauvée par les enfants qu’elle aurait dû avoir ? »
« Personne ne peut se substituer à vos manques de façon durable, ni soigner vos douleurs, vos blessures, on ne peut pas accueillir quelqu’un dans une maison totalement encombrée, on ne peut pas croire qu’il va arriver et tout ranger, l’autre n’est pas là pour trier tous vos papiers, faire le ménage non, il est là pour être avec vous et vous avec lui. Il faut avoir trier soi-même ses papiers avant »
Le vertige est une illusion de mouvements de ce qui entoure (murs, plafond, objets) qui peut nous entrainer dans une chute vertigineuse, un ailleurs intérieur mal maitrisé.


Ce dialogue imaginé entre Maryline Monroe et Isabelle Adjani nous donne le vertige que le décor et la musique amplifient. A moins qu’ils n’en soient à l’origine.
Qui parle ? entre un procès-verbal retranscrit dans toute sa froideur qui énonce les détails de la découverte de la Monroe dans son lit de mort, entre les poèmes de Pasolini à la puissance morbide, entre les mots d’Isabelle et les dialogues de l’auteur (Olivier Steiner), entre les interviews de Maryline dans la presse people.

Adjani offre ces 3 voix, 3 regards comme des réponses aux questions existentielles.
Du clin d’œil à la colère, du cabotinage à l’érotisme, ce sont toutes les nuances, les couleurs de sa palette voix qui sont convoquées et qui la rendent unique dans ce type de performance.

Si le jeu théâtral est minimal, l’éclairage nous oblige à mieux écouter les confidences des deux icones et précisément dans les moments où une voix amplifiée cohabite avec le visage figé d’isabelle Adjani là où la musique se veut poétique et surprenante. Le message s’impose nous questionne et nous transperce.
Adjani habillée de la même robe noire, dessinée par Dior, que Maryline portait dans ses dernières séances photo, sème et entretient le trouble entre l’icône blonde et la star brune.
Toutes les deux viennent de milieu modeste et accèdent au statut de star de façon violente. Toutes les deux victimes d’incursions dans leur vies amoureuses, intimes pour Adjani (venir sur un plateau tv pour dire qu’elle n’est pas hospitalisée). Elle en profite pour régler ses comptes avec les paparazzi et évoquer ses relations houleuses avec le fisc.
Toutes les deux ont exercé la même fascination sur leur public liée pour partie à cette relation identificatoire entre leur identité et leur rôle. La ressorti de photos de nu faites sous un pseudo, dans un calendrier après ses premiers succès à Hollywood cherche à installer Marilyne dans le rôle de la blonde belle et sans cervelle, les scandales autour de ses relations avec les frères Kennedy ou encore la malédiction des « Misfits » vont entretenir et amplifier ce cliché dévastateur.

Côté Adjani « Adèle H », « Possession » « Camille Claudel », « La dame aux camélias » « Mascarade » ou encore « Opening night » entretiennent le mythe et la question du rapport entre la faille et la force dans la construction de notre identité.
Le tribut à payer est élevé par les traces qu’il laisse comme le besoin revendiqué d’une cure longue pour aller dans la profondeur. La fin du spectacle nous entraine dans notre rapport à Dieu, à la mort et mobilise le silence de la salle en nous installant dans une intimité bouleversante qu’un poème de Pasolini vient clore.
Ce soir-là le public lui a fait une standing ovation de plusieurs minutes
Et il avait raison. Merci Isabelle.

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