Clivages d’abord entre ceux qui accèdent aux soins et ceux qui n’en ont pas les moyens (trop vieux, trop isolés, trop contraints, trop pauvres, condamnés à la prière vers un Dieu, pas très présent, en ces temps menaçants). Cet abysse si profond qui découpe le monde en 2 (- de 1% de la population possède près de la moitié de la fortune mondiale).

Entre ceux qui ont un accès naturel à la connectique, qui donne accès aux rendez- vous de dépistages ou de vaccinations et ceux, pour qui cette démarche s’apparente à une course de haies désespérante et excluante.

Pas connecté : pas de vaccins !!

Clivages entre générations. Pour l’une sommée de perdre son insouciance avec le sourire alors qu’elle se vit comme sacrifiée portée aux piloris de l’irresponsabilité. Face à elle la colère des plus fragiles qui crient leur peur de se retrouver en réa et sa loterie funèbre (1 patient sur 2 qui arrive en réa meurt).

Colère ressentie comme un discours culpabilisant par une jeunesse sans relations qui n’en peut plus des cours en visio, des diplômes au rabais, des candidatures sans suite, des ambitions volées. A 50 ans de là, les anciens, confinés dans la chambre de leur Ehpad, ou isolés de leur famille, et gagnés par le glissement faute de socialisation, s’en vont en silence par milliers

Deux culpabilités Deux blessures.

Clivages entre ceux qui crient aux mesures liberticides et à l’instauration d’un état d’urgence permanent qui renforce un pouvoir vertical, transformant l’Assemblée nationale en une simple chambre d’enregistrement, bras opérationnel de l’application des décisions énoncées au dernier moment par l’exécutif.

Qui s’insurgent d’une pratique du pouvoir qui rogne sur les libertés individuelles, avec un couvre-feu chargé de souvenirs anxiogènes et au champs lexical lourd, qui interdit la libre circulation des personnes, limite les réunions de famille, empêche la contestation.

Et en face, celles et ceux qui réclament davantage de sanctions envers celles et ceux qui manquent, à leurs yeux, d’esprit civique en ne portant pas de masques, de sens des responsabilités en organisant des fêtes en grand nombre s’avérant des clusters en puissance, d’exemplarité avec la mise en place de diners mondains aux allures décadentes.

Plus d’ordre, plus de cadre Plus de liberté individuelle. Paradoxe à la française.

Clivages entre ceux qui critiquent le pouvoir pris par les experts de la santé sur le politique et ceux (parfois les mêmes) qui critiquent le peu d’écoute des menaces annoncées par les experts sur un pouvoir d’avantage attaché à la valeur du PIB qu’à la santé de ses citoyens. Le en même temps mis à l’épreuve des faits.

Clivages entre un personnel soignant qui paie cher en burn-out, en démissions, en vies, un tribut chaque mois un peu plus lourd, et ceux qui évoquent une logique darwinienne, de disparition naturelle des plus faibles, au profit d’une population restante plus renforcée dans ses défenses naturelles. Allo Bolsonaro. Tes fidèles sont là.

Clivages entre les défenseurs d’une pensée complotiste où Google, Amazon et les géants de la pharma ont décidé ensemble de produire cette pandémie pour démultiplier leurs revenus et imposer leur pouvoir marchand sur la planète.

Et Biden qui propose que les brevets sur les vaccins contre la Covid soient levés pour être plus facilement et rapidement livrés, à moindre coûts, aux pays les plus pauvres (ce qui freine par la même occasion la circulation du vaccin sur la planète et favorise la reprise de la croissance). Ou comment ne penser le rapport à l’actualité que comme un billard à 3 bandes…

Clivages entre les emplois des activités essentielles et celles qui ne le sont pas. Ou comment distinguer entre buralistes et salles de sport, entre fleuristes et restaurateurs, entre magasins de bricolage et boites de nuits, entre libraires et théâtres, entre magasins alimentaires et musées sans développer une rancœur tenace, une colère en suspens, une désespérance pour les exclus du modèle de vie à la française. Quid des intermittents du spectacle, des acteurs de l’évènementiel, des thuriféraires du spectacle vivant dont les dépôts de bilans, les plans de licenciements vont exploser dès l’abandon par l’état de sa figure providentielle quand, dans le même temps, les usines de carton n’arrivent pas à fournir et que certaines enseignes de la grande distribution gagnent des milliers de nouveaux clients grâce au driving. En période de crise ce n’est pas l’équité qui est attendue, mais l’égalité de traitement qui est revendiquée.

Clivages entre les teneurs d’un discours sur la rupture de paradigmes, entre le monde d’avant et le monde d’après, notamment dans le rapport au travail et la place (hégémonique) du télétravail dans l’entreprise, dans le renouveau d’un discours de souveraineté industrielle par la production sur le territoire des molécules (du Doliprane par exemple), dans la consommation croissante de produits issus de circuits courts et bio d’une part et les défenseurs, d’autre part, d’une simple accélération des évolutions des prises de conscience de l’urgence climatique, des effets de la mondialisation sur nos comportements. Systémique oblige. Ce qui n’empêchera pas la queue de 100m devant Zara le matin du déconfinement, les MacDo pris d’assaut et les porte-conteneurs d’emprunter la route maritime la plus courte vers l’Arctique. Entre discours et pratiques. Pragmatisme ou inconscience…

Alors dans ce contexte, les managers vont devoir repenser leurs rôles ; hier experts, puis installés dans le savoir-faire- faire, plus récemment le faire-savoir, encore plus proche dans le vouloir-faire, c’est dans la maitrise de plusieurs langues qu’ils sont désormais attendus.

Parler le directif, le participatif, le collaboratif. 

L’entreprise n’est pas un lieu étanche, hors sol. L’entreprise est traversée par les mêmes interrogations que ses contemporains. Les mêmes doutes. Les mêmes clivages. 

Reste que les décodeurs méritent pour le moins d’être actualisés, réadaptés, voire repensés. 

Aussi installer un dialogue fécond suppose-t-il (notamment) de revisiter la cartographie des leviers de bien-être au travail et pour au moins deux raisons.

La première :

Le poids de la génération Z augmente mécaniquement et avec lui une autre langue à apprendre le collaboratif. Ce n’est pas la génération Z qui va s’adapter à l’entreprise, c’est l’entreprise qui va devoir s’adapter à leurs rapports au travail et à la vie privée. C’est-à-dire sans limite ou presque entre les deux champs.

Révolutionnaire, incompréhensible pour les générations x et pourtant incontournable.

Le collaboratif ne sera pas une option 

La seconde :

Les 3 E qui ont fait nos repères, l’Église, L’État, l’École sont en perte de légitimité, de crédit, d’influence face à la montée des réseaux sociaux, face aux corporatismes de tout poil, face aux logiques locales de proximité. L’Entreprise devient apprenante en créant ses propres universités et campus luxueux, l’Entreprise devient productrice de Valeurs affichées sur le Web et son storytelling, L’entreprise pèse par son influence sociétale via les Gafa. Pourrait-elle devenir ce nouveau repère ?

Dans le doute ne pas s’abstenir d’y réfléchir.

Cette cartographie suppose de revisiter les besoins de proximité, de cadre, de souplesse, de sens, d’appartenance, la liste n’est pas exhaustive mais l’exercice impérieux.

Accommodation ou évolution ? 

Dans tous les cas les dirigeants, les Drh, les managers seront en première ligne pour inventer cet espéranto d’une nouvelle grammaire comportementale, ce dialogue intergénérationnel, ce rapport à l’entreprise revisité après l’expérience de la pandémie, aux conséquences inconnues au regard des contraintes subies, des ruptures imposées, des deuils impossibles, des défis qui s’annoncent comme une aventure excitante aux équilibres en devenir.

Plus que jamais, il va s’agir d’écouter sans juger, de comprendre sans nécessairement partager, de s’adapter sans se perdre.

Accepter l’obsolescence des décodeurs d’hier pourtant si performants, accepter la mouvance qui n’est pas le chaos, le désordre qui n’est pas l’abime, le flou qui n’est pas l’absence de réalité.

La revanche de l’hémisphère droit, de la créativité, de l’ouverture, de l’imaginaire a sonné. Vive Rimbaud

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.