Alors oui le film est long, ce qui rentre dans les standards actuels, complexe, ce qui est plutôt rassurant face aux scénarii qui se lisent en moins de 3mn et qui font un tabac grâce à des moyens technologiques imposants qui cachent le manque de fond.
Intellectuel avec sa première demi-heure façon documentaire d’Arte, monologue réservé aux spécialistes qui marque la frontière entre les admis et les exclus.
La chute est violente, dérangeante entre idéalisation et crainte, où la résistance d’un élève humilié annonce une rupture, une cassure dans l’admiration. Cette scène essentielle énonce les premières failles qui vont se creuser avec le temps et abimer le portrait si parfait de la plus grande cheffe d’orchestre du monde dans une chute lente et plurielle, glacée presque fantastique, à l’image du métronome qui se met en route sans explications.
La bascule vers le vide cohabite avec l’obsession de contrôle et s’en nourrit.
Avec Tar, Cate Blanchet démontre encore à ceux qui en douteraient l’étendu de son talent, sa puissance évocatrice, sa capacité à porter un film aussi ambitieux notamment dans son travail de cadrage où elle occupe 90% des plans, sa capacité à incarner une femme de pouvoir, lesbienne et manipulatrice, sa capacité à donner du corps à ce personnage fictif dans un biopic dérangeant, exigeant.
De fait, c’est une femme de pouvoir, la symbolique d’être à la tête du philarmonique de Berlin parle d’elle-même dans l’inconscient collectif. Dans d’autres univers il aurait manqué la 5 ème de Mahler comme fil rouge à cette désintégration. Un défi pour chaque maestro.
Cette symphonie renvoie évidemment à Mort à Venise mais aussi à son ouverture angoissante qui nous sort des ténèbres, utilisée ici comme point d’orgue de son délire final. Elle participe pleinement de la puissance du film ,en est une composante à part entière, …sachant qu’un malheur ne vient jamais seul.